Hellbound-l'Enfer
Scénariste : Yeon Sang-ho
Dessinateur : Choi Kyu-sok
Editeur: Delcourt
Résumé :
« Elle estime avoir une part de responsabilité dans ce qu’est devenu ce monde. C’est pour ça qu’elle essaie de se rattraper. Elle veut une chance de réparer ses erreurs… Une chance de se racheter pour ses péchés… »
Avis :
Le deuxième tome de Hellbound-l’enfer étant sorti, nous allons enfin savoir la suite et fin de ce thriller sociétal terrifiant. On s’est bien gardé de visionner le film sur Netflix afin de ne pas se spoiler la suite de ce fabuleux webtoon.
De nouveau, la couverture vaut la peine, du même style que la première, doublée et cartonnée. Sur une face : le visage de la femme qui annonce les châtiments, sur l’autre face: le visage de l’avocate que l’on croyait morte dans le premier tome. Le label Kbooks des éditions Delcourt nous offrent encore du beau travail avec, dès les premières pages, des doubles planches en couleurs époustouflantes qui reprennent les magnifiques dessins de Choi Kyu-sok. De quoi nous mettre en bouche.
Et puis, on ouvre le livre…
Nous voici quatre années après les derniers faits et la mort de Jeong Jinsu, l’ancien leader de la secte Neo Veritas. Sa damnation nous avait fait comprendre que ce « châtiment divin » était loin de punir les véritables « pécheurs », mais choisissait des personnes totalement au hasard, bonnes ou mauvaises. Cachant sa mort, pensant faire le bien afin d’éviter que le monde sombre dans la folie et continue sur le chemin de la « droiture », il laisse le contrôle de la secte à Kim Jeongchil qui va en faire une véritable organisation religieuse se plaçant au-dessus des lois.
Chaque damné se doit de se présenter à Neo Veritas pour expier ses péchés et divulguer sa condamnation en direct à la télévision et les réseaux sociaux et faire ainsi comprendre au monde que le chemin à suivre est celui du Seigneur. Étroitement lié aux pointes de flèches pour faire son « sale boulot », Neo Veritas devient la référence en termes de règles à suivre et ses prêtres, de plus en plus nombreux, font la loi… Cette organisation pronant la vertu est devenue totalement frauduleuse.
Dans cette deuxième partie de l’histoire, l’auteur, Yeon Sang-ho, continue de nous montrer un pays fermant complètement les yeux sur la prise de pouvoir d’un groupe d’individus fanatiques.
Pourquoi ? Par peur, bien entendu… L’ambiance est étouffante en permanence. Il est impossible de savoir qui croit en qui ou en quoi. À qui peut-on faire confiance quand même votre propre famille finit par vous trahir ? D’un côté, on place les pécheurs et de l’autre, les vertueux… La manipulation est omniprésente et on divise pour mieux régner.
Une autre facette montrée par l’auteur est également la banalisation de faits surnaturels devant les caméras. Comment peut-on filmer ces damnations comme s’il s’agissait d’un simple show ? On parle ici d’un voyeurisme malsain qui apparait de plus en plus au sein de notre société. Ce livre est une critique assez cynique de nos propres défauts sociétaux…
Suite à cette situation, certains décident de se cacher du monde pour être condamnés loin des yeux de tous afin que leur famille ne soit pas entachée par leur mort. Pour les aider, une organisation secrète a vu le jour : Sodo. Dirigée par Min Hyejin, l’avocate que l’on croyait morte sous les coups des pointes de flèches.
Jusqu’au jour où, l’inattendu arrive. Quelque chose qui pourrait ouvrir les yeux du monde entier sur la stupidité de toutes ces actions et toute cette haine envers les autres… La damnation d’un être dépourvu de tous péchers. Un nouveau-né…
Cette partie raconte l’histoire de ces deux parents désemparés, qui essaient d’abord de comprendre pourquoi leur fils à été damné. Doivent-ils accepter, se battre, se cacher ou le montrer au monde ? Pourront-ils le sauver ? Ils se trouveront au beau milieu d’une véritable lutte de pouvoir…
Pour ce qui est du dessin, je reprendrai les mots de Bong Joon-ho, le réalisateur des films Parasite et Le Transperceneige : « Le style de dessin fin et affûté de Choi Kyu-sok est une prouesse technique jamais vue. La représentation du squelette, des expressions faciales et des rides des Coréens modernes est à couper le souffle et fait pénétrer l’anxiété et la peur des personnages jusqu’à la moelle du lecteur. »
Une lecture suffocante et éprouvante où haine et sectarisme vont de paire. Des mâchoires qui se serrent de rage. Un scénario magnifiquement bien conçu et un dessin d’une grande qualité. C’est un ouvrage qui nous prend aux tripes…
On pourrait se dire que deux tomes, c’est trop peu. Pourtant, chacun fournit une grande quantité d’informations et d’intrigues, le tout formant une histoire qui ne pouvait être meilleure. Un véritable thriller mené d’une main de maître. Normal quand il s'agit du scénariste du Dernier train pour Busan et du dessinateur d’Aiguille de pin.
Finalement, nous n’aurons pas plus d’informations sur le pourquoi du comment de ces damnations, mais, comme toujours, nous aurons la preuve que l’amour est plus fort que tout…
« Le monde des hommes doit être dirigé par des hommes. Être un homme c’est savoir secourir un autre homme quand on le voit en train de mourir… »