Tout va bien, enfin ça va aller
Dessinateur : Eva Roussel
Scénariste : Bruno Isnardon
Editeur: La relève et la Peste
Nours et Plüche, deux jeunes trentenaires vivent une histoire d’amour fusionnelle et un bonheur parfait. Un appartement dans une belle ville, des amis et des activités professionnelles qui les font vibrer. Mais en ce début d’année, l’économie mondiale est en chute libre et le climat social s’effrite de plus en plus. Des banques qui ne délivrent plus d’argent, une pénurie d’essence et des coupures d’électricité à répétition vont amener nos deux héros à prendre conscience que l’effondrement est à leur porte. Que faire quand tout s’effondre ? Quand partir ? Et surtout, où aller ?
Mon avis:
Une BD sur l’effondrement. J’ai connu des sujets plus joyeux et moins anxiogène j’avoue.
Et pourtant…
Pourtant, j’ai demandé à faire cette chronique. J’ai envoyé un email à La Relève et La Peste, petite maison d’édition indépendante basée à Paris, pour savoir si ils étaient prêts à jouer le jeu de paraitre dans Génération BD tout en se prêtant à la critique. Et ils ont accepté, à ma plus grande joie!
Tout va bien (enfin ça va aller) aborde par le prisme du couple Plüche et Nours, un possible effondrement et ses conséquences directes sur notre vie de tous les jours. Ce qui me touche particulièrement et ce dès le départ, c’est la facilité avec laquelle je me projette dans leur histoire. Ce sont des gens simples avec une vie normale, comme vous et moi et graphiquement la ligne aussi se veut simple, abordable. Je me sens accueilli, dès la première page, en plein réveillon du nouvel an. Tout est fait pour être le plus à l’aise possible avec ce merveilleux petit bouquin dont même le format carré et la couverture enveloppée d’un superbe carton texturé nous invite à la curiosité.
Le développement de l’histoire est bien amené, sans trop de précipitations tout en sachant vers quoi le récit se dirige implacablement. De nouveau, les traits, les couleurs sont apaisants et apportent l’empathie nécessaire pour se projeter. Tout se fait en douceur même si forcément, certaines scènes sont plus tendues que d’autres. J’adore le passage du noir et blanc à la couleur qui marque les transitions temporelles. Cela ajoute un côté rassurant, où l’on devine que même si les choses ont l’air d’avoir changé, nos héros semblent en être ressortis mûris, presque indemnes au regard de la canne qu’utilise Nours pour se déplacer, toujours le sourire aux lèvres.
Le ton bienveillant de la narration apportée comme une discussion est aussi une belle trouvaille. Cette conversation sans filtre tout au long du récit apporte cette sincérité et montre à quel point le sujet de l’effondrement et de notre implication accompagne leur vie depuis quelques temps. Ils ont fini par en faire une BD pour tracer des pistes sans pour autant prédire l’avenir.
Et c’est vraiment une belle BD, simple et accessible, touchante et prenante à la fois. Le sujet reste sensible bien entendu, savoir que cette histoire n’est que le début et qu’une suite pourrait arriver ajoute un peu de piquant et d’impatience. C’est finalement ce que je recherche en lisant une BD, un comics: me faire embarquer et redescendre à quai la tête pleine de questions, d’envies. Mission réussie! Bravo à vous Eva et Bruno et merci, vous avez tout mon respect, mon admiration!
Oser se lancer sur un sujet comme celui-ci (l'effondrement, les signes avant coureurs, le moment de crise et comment réagir ensuite) pour poser des faits et des questions ne doit pas être une chose facile à faire et vous le faites avec une décontraction naturelle, avec poésie aussi, ce qui dédramatise un peu le débat sans pour autant le minimiser. Chapeau!
Vous l’aurez compris, je ne peux que recommander cette BD engagée, parce qu’il est temps de réveiller les consciences et c’est une très belle façon de le faire…