Maintenant que les derniers arrivages « Mangas » viennent de se faire chez nos libraires préférés, et profitant de cette courte accalmie dans les nouveautés avant celles du mois de Janvier 2023, on s’est posé quelques heures à la rédaktion de GénérationBD pour faire le point sur les prix de nos mangas qui vont tous augmenter d’ici quelques jours.
Cet article est basé notamment sur une interview du directeur de Kurokawa Grégoire Hellot dans le Podcast « MangaCast #86 » de Juin 2022, sur une autre interview du sieur lors d’un KuroLive sur la chaine de Kurokawa, ainsi qu’en croisant nos informations avec nos autres partenaires éditeurs.
Episode 1 : l’avant Covid
Il y avait déjà des signes avant-coureurs en 2019 : bcp d’usines à papier ont abandonné le papier « couché » (celui pour les livres ou les magazines), car devenu déjà moins rentables pour eux. La presse commençait à se casser la figure et rappelez-vous de la faillite du distributeur Presstalis qui avait fait grand bruit à l’époque.
Ces entreprises perdaient de l’argent et ont décidé de changer leurs machines à papier pour fabriquer une autre matière plus rentable, comme les étiquettes-fluos pour les supermarchés qui sont bien plus rentables pour eux par exemple.
Episode 2 : Et vint le Covid
Ensuite, en 2020, le manga cartonne les 3 1ers mois avant que le Covid n’arrive et bloque tout jusqu’en juin 2020. La régulation qui s’en suit fait que les nouveautés prévues initialement au 2ème trimestre doivent être répartie sur les mois suivants, reculant encore les nouveautés de cette période. Les éditeurs tirent la langue, les coûts d’entreposage chez les distributeurs explosent et les imprimeurs voient toutes leurs prévisions financières s’écrouler. Durant ce même laps de temps, on commande beaucoup plus online. Or évidemment, pour chaque commande, il faut du carton pour faire les beaux emballages ; le prix du carton augmente donc, alors que celui du papier stagne.
Ainsi par exemple, gros souci d’alimentation en rayons (notamment chez Kana) l’année passée, car leurs livres étaient prêts, mais il n’y avait plus de cartons pour les emballer !
Sentant la « bonne affaire », les usines de production font alors le switch de la fabrication du papier vers celui du carton. Détail important : les machines à papier ne sont pas « Upgradables » pour la fabrication du Carton : les coûts engendrés pour cette transformation du secteur sont très importants !
Ainsi Stora Enso, le plus important papetier d’Europe, a revendu 4 de ses 5 usines pour concentrer toute son activité sur le carton d’emballage (où donc les marges sont plus importantes).
Episode 3 : l’effet Post-Covid
Hors, à la sortie du confinement, les gens avaient soif de lecture et les commandes ont afflué d’un coup : les fabricants de papier n’ont pas vu cette vague massive de demandes de papier se profiler et se sont retrouvés complètement exsangue de cette matière première…
Tous nos braves éditeurs sentent alors de grosses gouttes perler sur leurs tempes et vont alors chercher du papier en-dehors du marché européen (Suède, Norvège, Brésil, Chine) !
Malheureusement, le problème est désormais devenu général :
En cause ? les sacro-saintes marges réalisées par ces fabricants : évidemment, quand un Amazon passe des commandes de carton d’emballage, au vu des quantités demandées, son concurrent Carrefous surenchérit sur le prix de cette matière, ce qui fait que les prix s’emballent… et que les cartons d’emballage ou de couverture deviennent bien plus chers !
Episode 4 : Puis vint la guerre…
Moins de papier sur le marché donc. Un autre facteur aggravant est venu en sus déjà : la guerre entre la Russie et l’Ukraine : Ces 2 pays représentent sur le marché du bois (qui sert à la fabrication du papier) 15% de la production mondiale. Gros manque donc de cette matière première pour tout ce qui est fait en papier, carton,… (pas seulement donc le manga !)
Un autre souci de cette guerre est que l’Ukraine était un important fournisseur de « plaques d’impressions » en alliage d’Aluminium, qui est le mode d’impression le plus courant actuellement dans le process d’impression des mangas.
Troisième souci lié à la guerre : le coût de l’énergie ! La demande énergétique pour fabriquer du papier est colossale. Le prix de l’énergie à augmenté de près de 50% depuis 2 années.
Par exemple, si la fabrication d’une tonne de papier coûtait en 2020 10 000€, cela coûte aujourd’hui en énergie 20 000€. Les marges diminuent donc pour le fabricant de papier, ce qui l’incite donc à passer sur une production de produits plus rentables que le papier !
La solution alors est d’importer du papier de Chine ou du Brésil… mais le coût du transport a explosé lui aussi ! Aujourd’hui ce coût est passé en un an de 4000$ à 20 000$ le container. (carburant des bateaux, …)
Episode 5 : la Cartonnisation de nos sociétés
On rajoute deux autres points encore en rapport avec la « cartonnisation » de nos sociétés :
- voulant absolument déplastifier nos usages, on remplace des objets usuels en carton (assiette, pailles, emballages de denrées…). Ces nouveaux acteurs (Mac Do’, …) débarquent eux aussi sur le marché de la production du papier, occasionnant encore une fois des énormes demandes sur les stocks de carton. Sachant que pour remplacer 1 tonne de plastique, l’industrie doit produire 4 tonnes de cartons… on vous laisse faire le petit calcul.
- Le papier/carton est issu du bois ; cette ressource n’est pas infinie et on cherche de plus en plus à réutiliser du bois : pour se chauffer, pour construire sa maison… là encore, la loi de l’offre et de la demande font exploser les prix !
Episode 6 : Les ventes de Manga explosent en 2021
Enfin, les ventes de Mangas ont explosé en 2021, dépassant pour la première fois les ventes de Bandes Dessinées ; de nouveaux éditeurs se sont déclarés et alors que le marché du manga était en déclin après l’éclatement de la bulle « Naruto » en 2009, ce marché est de nouveau à la hausse partout dans le monde depuis 2015.
Outre les ultra-classiques « One Piece », les nouvelles figures de proue sont One-Punch Man et MHA en s’adressant à deux générations de lecteurs différents : les trentenaires et les ados. La machine se réenclenche alors, permettant de faire découvrir d’autres œuvres à ces lecteurs et le marché du manga « cartonne » à nouveau (The promised neverland, Docteur Stone…).
Un problème de « riche » se pose aussi pour les éditeurs de mangas : depuis 2020 s’est développé aussi un marché parallèle : les éditions « Collector » qui drainent énormément de demandes de la part des lecteurs. Les différents goodies (marque-pages, cover avec un vernis spécial, impression sur du papier de meilleure qualité…) occasionnent encore plus de stress sur la chaine de production de papier… et chez nos éditeurs : 2 exemples typiques :
Sur les réseaux sociaux, 1 première sheat-storm s’est déclenchée sur la sortie de la Perfect Edition de Naruto (que l’éditeur Kana a pu rattraper aujourd’hui), puis celle sur les « nouveaux dos » des séries Kazé…(qui elle n’est toujours pas close).
Un vrai problème de petits riches, avouons-le !
Episode 7 : Une Perfect Storm… et ce n’est pas fini !
Tout cela fait que nos éditeurs doivent maintenant réserver leurs quantités de papier bien plus en amont : si auparavant ils réservaient leur slot chez l’imprimeur 3 mois à l’avance, aujourd’hui à cause de cette pénurie, les réservations se font souvent 6 mois en amont !
Si cette situation est beaucoup plus aléatoire pour eux, la situation peut -encore !- s’aggraver quand un Anime d’un manga débarque sans tambour ni trompette : l’éditeur français n’était que rarement au courant si tôt à l’avance de cette sortie et ne pouvait pas estimer factuellement la hausse que l’Anime amènerait sur les ventes de son manga ; elle peut être de 50% comme de 200%….
L’éditeur n’ayant pu prévoir une telle hausse 6 mois à l’avance voit son stock de volumes arriver très vite en rupture de stock…. En urgence, il demande alors une réimpression auprès de son imprimeur, mais le process prendra…. 6 mois avant que les tomes manquants ne soient à nouveau disponibles pour le lecteur impatient (ex : « Tokyo Revengers » qui a explosé à l’arrivée de son Anime en 2021 : selon Glénat, ils sont passés d’une vente de +/- 1000 exemplaires au tome à 20 000 lors de l’arrivée de son Anime en France).
Heureusement aujourd’hui les éditeurs japonais et les grosses plateformes de streaming d’Anime (CrunchyRoll, ADN…) préviennent plus rapidement nos éditeurs en amont d’une tranposition en Anime et des dates de diffusion de leurs nouvelles séries. Ils peuvent ainsi mieux anticiper dans leurs commandes une hausse pour ces séries (Les ventes de « Spy x Family » ou « Sexy cosplay Doll » ont explosé avec l’arrivée de l’Anime, mais Kurokawa et Kana ont pu ainsi estimer ces flambées à l’avance).
Conclusion : les prix explosent en 2023 !
Les analystes du marché ont rarement vu un tel alignement de soucis. Comme le qualifie Grégoire Hellot (Kurokawa), on assiste ici à une « Perfect Storm » :
- Industrie qui produit moins de papier
- Impossible d’augmenter sa production, vu qu’il y a moins de bois
- Souci de fabrication des plaques d’impression
- Et les coûts de l’énergie et du transport !
A court terme, les éditeurs n’ont pas le choix et doivent importer un maximum de papier d’Asie et d’Amérique du Sud, malgré les coûts de transport.
On pourrait penser que les fabricants de papier vont faire marche arrière, afin d’augmenter leur production de papier, mais au vu des coûts que la transformation de leur chaine de fabrication leur a coûté, ce ne sera pas tout de suite qu’ils pourront amortir leurs frais…
Il n’y a pas que le manga qui est en crise : les magazines sont fortement touchés.
Enfin, même si la guerre en Ukraine s’arrêtait aujourd’hui, avec tous ces différents paramètres, il n’y a pas de solution à moyen terme…
Difficile évidement à l’échelle du simple lecteur de se rendre compte de ces difficultés.
Voilà pourquoi, depuis le mois de Juin, nos éditeurs battent le pavé des médias pour expliquer « pourquoi » le prix de nos mangas va devoir augmenter…
Série fétiche de notre rédacteur en chef, le Chat est un réel succès populaire, dû au génie comique de son créateur, Philippe GELUCK.
C’est en cette journée de l’année 1983 qu’apparait pour la 1ère fois dans le journal « Le Soir » ce grand philosophe de la vie humaine, qui nous émerveille en seulement 3 phylactères!
Edité chez Casterman, un nouvel album sort chaque année, toujours en cette période…
Il a aussi été porté à l’écran en 2011 sur forme de capsules quotidiennes de 48 secondes intitulées « La minute du Chat ».