Boy's Abyss
Dessinateur : Ryo Minenami
Editeur: Kana
Résumé :
Dans ce treizième tome de Boy’s Abyss, Reiji Kurose quitte enfin sa ville natale pour se rendre à Tokyo, espérant aider son amie Tchako et également revoir Nagi pour enfin la comprendre réellement. Il l’y retrouve, persuadé que renouer avec elle pourrait être un moyen d’améliorer les choses. Mais alors qu’il tente de se raccrocher à cet espoir, d’autres forces s’agitent dans l’ombre.
De son côté, Tchako, animée par une rancune tenace, décide de vendre son histoire aux médias afin de nuire à Nagi, cherchant à envenimer encore davantage la situation. Yuri, l’ancienne professeure de Reiji, continue quant à elle de s’accrocher à son désir maladif de le "sauver". Pourtant, derrière son apparence rationnelle, elle projette sur lui tout son malheur et ses espoirs brisés, le transformant malgré lui en l’ultime échappatoire de son propre désespoir.
Ce tome nous plonge également dans le passé torturé de la mère de Reiji. Son enfance brisée par un père abusif, un frère qui l’a abandonnée en fuyant le village, et une grand-mère sénile l’ont laissée seule dans cet environnement oppressant. Marquée par la superstition locale selon laquelle quitter la ville entraînerait une punition divine, elle a transmis cette peur à son fils, l’enfermant dans un destin tout tracé. Sa descente dans la psychose semble abyssale et sans fond, nourrissant une obsession malsaine : faire sombrer Reiji avec elle, dans le gouffre de son propre malheur.
Et pourtant, au cœur de cette noirceur infinie, Reiji trouve encore la force de penser aux siens. Malgré l’enfer qu’il traverse, il tente de briser la torpeur de ceux qui l’entourent, cherchant une échappatoire, non seulement pour lui-même, mais pour ceux qui sont restés prisonniers de cette ville maudite.
Avis :
Ce volume continue de pousser Boy’s Abyss dans les recoins les plus sombres de la condition humaine. Entre manipulations, vengeances et troubles psychologiques, l’histoire ne nous laisse aucun répit. L’évolution de Reiji est particulièrement marquante : malgré les ténèbres qui l’engloutissent, il garde un semblant de lucidité et tente de lutter contre l’inéluctable.
Le développement des personnages secondaires, notamment la mère de Reiji est glaçant. Sa folie, révélée dans toute son ampleur, ajoute une nouvelle couche de malaise à l’intrigue. Son désir toxique d’entraîner son fils dans sa propre chute est d’une intensité malsaine qui met mal à l’aise. Quant à Yuri, son obsession de "sauver" Reiji devient de plus en plus dérangeante, révélant que ceux qui semblent les plus rationnels cachent parfois les pires fêlures.
L’aspect psychologique du récit est brillamment exploité, plongeant le lecteur dans un sentiment d’inconfort constant. La ville natale de Reiji apparaît plus que jamais comme une prison psychologique et sociale dont il est presque impossible de s’échapper.
Le style de Ryo Minenami joue un rôle crucial dans la transmission des émotions intenses de ce tome. Les expressions des personnages sont d’un réalisme troublant, notamment lorsqu’il s’agit de représenter la terreur, le désespoir ou la folie. La mise en page accentue la tension dramatique avec des contrastes saisissants entre l’obscurité et les rares moments de lumière qui tentent d’émerger.
Les scènes à Tokyo offrent un contraste intéressant avec l’atmosphère oppressante de la ville natale de Reiji, illustrant sa tentative d’évasion. Cependant, même dans un nouvel environnement, l’ombre de son passé le rattrape, et cela se ressent jusque dans la manière dont les décors sont utilisés pour enfermer les personnages dans un cadre toujours plus étouffant.
Ce tome excelle dans sa gestion de la tension et du malaise. Les flashbacks sur la mère de Reiji sont insérés avec une fluidité qui renforce leur impact dramatique. L’alternance entre les perspectives des différents personnages permet une immersion totale dans le récit et accentue le sentiment d’inéluctabilité qui plane sur l’histoire.
Le jeu entre le passé et le présent est maîtrisé avec précision, montrant à quel point les blessures anciennes façonnent les traumatismes actuels. Chaque dialogue, chaque silence est lourd de sous-entendus et contribue à construire une atmosphère pesante et suffocante.
Ce tome laisse une impression de vide une fois refermé, tant il est chargé en émotions et en tension psychologique. Il est évident que cette œuvre ne s’adresse pas à tous : les lecteurs les plus sensibles risquent d’être profondément affectés par son contenu sombre et dérangeant.
Cependant, on pourrait reprocher à ce volume de s’attarder longuement sur certains passages au détriment de l’avancée de l’intrigue. Certains moments, bien que puissants, auraient pu être condensés pour éviter une sensation de stagnation dans l’histoire.
En conclusion, le tome 13 de Boy’s Abyss est une descente toujours plus vertigineuse dans l’enfer psychologique de Reiji et de son entourage. Il met en lumière des thématiques profondément dérangeantes, où la manipulation, la folie et la superstition façonnent les destins de ceux qui n’ont jamais pu s’échapper.
Ce volume confirme que Boy’s Abyss est une lecture éprouvante, mais magistralement écrite. Il ne conviendra pas à tous les lecteurs, mais pour ceux qui apprécient les récits sombres et psychologiquement intenses, il offre une expérience inoubliable, aussi fascinante que glaçante.