Intégrale, Partie 2/2
Dessinateur : Osamu Tezuka
Scénariste : Osamu Tezuka
Editeur: Delcourt
La 1ère partie de cette chronique est lisible ici.
En voici donc la suite! ;)
Ce qu’on en pense…
Las, quand le Maroulf (notre rédaketeur-en-chef vénéré) m’a tendu cette double brique d’un œil goguenard, j’ai vite regretté mon élan : plus de 1300 pages pour ces 2 tomes… Mes 6 semaines de congés n’allaient pas suffire...
Cette histoire sera publié durant 2 ½ années dans le mensuel « Shūkan Bunshun » , puis publiée en 4 gros volumes (chez Tonkam pour la francophonie).
Plus qu’une œuvre de fiction, nos yeux d’occidentaux du XXIème siècle découvrent un pan entier de l’Histoire, vu par les japonais : c’est ainsi qu’on débute lors des Jeux Olympiques de Berlin en 1939, se déploie durant la Seconde Guerre mondiale pour s'achever avec l'essor du conflit israélo-palestinien.
En s'appuyant sur la rumeur des origines juives d'Hitler (qui seront par la suite totalement démontées, voir ci-dessous), il dénonce habilement l'intransigeance et le racisme allemand, l'embrigadement des enfants mais aussi il réussit à mettre en relief le soutien du Japon envers l'Allemagne et son implication dans la guerre qui est loin d'être anodine.
Cependant, l’épopée relatée est bien loin d'être un simple récit historique et c’est là que se trouve sans doute le génie de Tezuka : au fil des pages plane un parfum d'aventure qui suit à la trace le journaliste Togué ; il aura fort à faire pour sauver sa peau et découvrir les meurtriers de son frère.
Accablé de coups du sort, il trouve néanmoins sur sa route de bonnes âmes charitables qui lui donneront un coup de main pour ses recherches ou sa simple survie. Des personnages qui font d'ailleurs habilement le lien avec nos deux jeunes garçons que nous continuerons à suivre ponctuellement.
Aussi, la construction s'avère particulièrement intelligente, dynamique et ponctuée de nombreux rebondissements qui atténue la longueur de ce récit-fleuve de plus de 1 300 pages pour sa totalité !
On retrouve d'ailleurs le même dynamisme dans le trait caractéristique de Tezuka : Son dessin est très vif, exprimant à l'excès la rapidité des actions, accentuant les émotions et les expressions des personnages, n'hésitant pas à recourir à l'exagération des mouvements et à la caricature. S’il peut sembler quelque peu désuet aujourd’hui, il faut bien reconnaitre qu’une fois rentré dedans, il est toujours très efficace !
L'histoire des 3 Adolf est donc un très grand manga qui reste toujours autant d'actualité et dénote de l'engagement de l'auteur contre toute forme de guerre qu'elle quel soit.
Si Hitler a disparu, les haines raciales sont toujours de notre monde et Tezuka décrypte ici avec succès le mécanisme de rejet qui peut toucher certains.
Pourtant, loin d'être une œuvre sombre, l'auteur réussit le tour de force de proposer une histoire divertissante qui fait parfois même preuve d'humour, tout en abordant de façon frontale des thèmes difficiles.
A travers l'histoire de Togué et de ses recherches, à travers l'amitié des 2 Adolfs dont on s'interrogera bien évidemment sur la longévité, Tezuka retrace l'histoire des hommes, de leur condition, oscillant entre haine, amour et amitié.
Un dernier mot enfin sur cette nouvelle réédition : à l’heure des 90 printemps qu’auraient eu l’auteur s’il était encore en vie aujourd’hui, les éditions Delcourt / Tonkam nous livrent ici un très bel ouvrage, avec une finition luxueuse, digne des plus grands ouvrages !
Au passage, saluons le fait que cette réédition est éditée dans le sens de lecture original. Auparavant et pour ne pas déplaire à un public peu habitué à la lecture des mangas, Tonkam avait commis l’erreur monumentale d’en inverser totalement les dessins : les personnages passaient alors leur temps à se saluer de la main gauche, ce qui pour une poignée de main ou un salut hitlérien amène un trouble certain dans le chef des lecteurs...
D’autre part enfin, Les éditions Delcourt nous gratifient en plus d’un avant-propos extrèmement documenté, signé conjointement par Koseï Ono et Didier Pasamonik.
On vous en conseille fortement sa lecture initiale, car il remet en perspective la thèse des origines juives d’Hitler avec le travail notamment de l’historien Ian Kershaw en 1998 qui démonta cette fable tenace, entretenue durant des décennies par des négationnistes de tous bords...
... A la veille du dernier jour de mes 6 semaines de vacances, j’ai pu finaliser cette double chronique ! Ouf, un peu de repos me fera du bien ! ;)
Milan Morales