Une romance anglaise
Série: Une romance anglaise, Tome 0
Scénariste : Jean-Luc Fromental
Dessinateur : Miles Hyman
Coloriste : Miles Hyman
Editeur: Dupuis
Londres, janvier 1961, tout semble plutôt réussir à Stephen Ward, ostéopathe dont la renommée lui permet de rencontrer une clientèle aisée, évoluant dans les hautes sphères de la société. Ces relations permettent également à Ward de profiter de manoirs de luxe où il reçoit les jeunes femmes qui se donnent à lui… En termes de moralité, Stephen a plutôt une mentalité avant-gardiste pour l’époque…
Lors d’une sortie, Stephen va prendre sous son aile Christine, une jeune danseuse (strip-teaseuse) de cabaret et va l’initier au grand monde, se comportant sans son mentor et n’entretenant pas de relations sexuelles avec elle.
Le MI-5 (service secret britannique) va demander à Stephen Ward de mettre sur pied une relation amoureuse ou sexuelle avec l’une de ses connaissances avec un agent russe opérationnel : le capitaine Ivanov. Stephen, flatté par cette demande et l’envie de jouer à ce jeu diplomatique, va accepter cette demande. Il va faire appel à Christine qui se prêtera à ce jeu en séduisant l’agent russe.
Parallèlement, la jeune femme va nouer une relation avec le ministre britannique de la guerre, John Profumo, flattée de cette prestigieuse conquête sans se rendre compte du caractère incongru de cette double relation dans un contexte de guerre froide.
Les choses vont se dégrader lorsque les médias vont découvrir cette situation dans un contexte particulièrement tendu entre Russes et Américains, les tentatives pour étouffer l’affaire vont échouer. Il ne reste plus qu’à trouver un bouc émissaire…Je connaissais l’affaire Profumo de nom (ou plutôt « le scandale » Profumo), mais sans plus avant la lecture de cet album. Jean-Luc Fromental a eu la bonne idée de ressortir cette histoire vieille de 60 ans pour mieux en dégager les enjeux, mais aussi le contexte politique et moral de l’époque.
En tant que personne avant-gardiste et libérée au niveau sexuel, Stephen Ward était le lampiste parfait pour assumer ce scandale qui fit tomber le parti conservateur après 15 ans de domination. Il est vrai aussi que tous les éléments sulfureux étaient rassemblés pour faire la joie des journalistes en quête de sensationnel !
Dans ce récit d’une centaine de pages, nous replongeons donc dans cette société en évolution morale et traversée par des tensions politiques majeures (invasion de Cuba). L’immersion dans ce début des années 60 m’a donné l’impression de remonter dans une période encore plus ancienne de l’histoire. Peut-être est-ce lié au dessin de Miles Hyman... Son style fait penser à celui de Edward Hopper, chaque case étant un mini-tableau. Les personnages semblent parfois figés comme s’ils prenaient la pause le temps de remplir une case de la page…
C’est donc un album à la fois intéressant par son contexte historique et son style graphique travaillé que nous propose la série Aire Libre de Dupuis. Sa lecture ne peut donc qu’être vivement recommandée et on n’est pas loin du coup de coeur!