Aimer pour deux
Série: Aimer pour deux, Tome 0
Dessinateur : Emilio Van Der Zuiden
Scénariste : Stephen Desberg
Coloriste : Fabien Alquier
Editeur: Grand Angle
Mars 1941, une jeune femme nommée Monique, venue en droite ligne de Boulogne, débarque à Paris, pleine d’insouciance par rapport à la guerre et bien décidée à profiter des joies de la vie.
Francis, un homme qui aime rire de lui et des autres et plutôt épicurien dans l’âme, va rapidement l’adopter et lui faire découvrir les lieux de culture et de fête de Paris. Elle découvrira le café clandestin de Ginny Pinkerton alias Gin, un homme qui avait tout pour déplaire aux Allemands (il était homosexuel, noir et juif) et qui joue de superbes morceaux au piano et a un petit côté philosophe. Le café est fréquenté par le peintre Paul Louvray qui a la coté du moment et par une mystérieuse Manon dont on dit qu’elle davantage vaincu le cœur des Allemands que les soldats français.
Monique ne veut pas nouer une romance avec Francis, car elle veut encore pleinement profiter de la vie et sa jeunesse. Un jour pourtant, elle cède à ses avances. Mal lui en a pris, car elle tombe enceinte et ses rêves de liberté s’effondrent.
La guerre dont elle ressent les tensions en assistant à certaines scènes va finir par la rejoindre. Son ami Gin va être arrêté alors qu’elle l’accompagnait voir Tristan et Isolde à l’opéra. Manon va la soutenir dans cette épreuve, mais va subir la punition que l’on réserve aux femmes qui ont eu une liaison avec des Allemandes pendant la guerre.
La jeune femme qui a accouché d’une petite fille, Nicole, ne se sent pas heureuse avec Francis et son enfant. Lorsqu’elle rencontre un soldat américain, Robert, elle va décider de quitter Francis et sa fille pour partir avec lui aux États-Unis. La naissance de Philippe, son second fils, ravive cependant sa blessure de ne plus avoir Nicole. Francis, grâce à l’intervention de Robert, va accepter la mort dans l’âme que Nicole retrouve sa mère, se disant que c’est ce qui pourrait être le mieux pour sa fille…C’est une histoire très personnelle qu’a mis en bulles le scénariste Stephen Desberg. Basé sur une histoire avec des fondements réels, il en a interprété certaines choses et a ajouté quelques éléments de pure fiction pour construire son récit.
Derrière, cette mise en scénario, on devine des blessures, mais aussi beaucoup d’amour et d’affection pour sa famille, mais également pour le genre humain. Pour mettre ce récit en image, il s’appuie sur le dessin très soigné de Van der Zuiden avec qui il travaille déjà pour la série « Les anges d’Auschwitz » chez Paquet. Le résultat forme un tout cohérent, agréable à la lecture.
On relèvera que le contexte de guerre constitue la trame de fond, mais que le récit est davantage centré sur la vie de la jeune femme qui va perdre tout doucement son innocence au fur et à mesure que les événements se succèderont… On est donc bien dans cette approche très humaine qui fait souvent la qualité de l’éditeur Grand Angle et me ravit toujours personnellement.
Stephen Desberg signe donc ici une histoire à la fois très personnelle, mais également très universelle et on ne peut qu’être touché par le choix cornélien qu’a dû faire Monique lié au statut de la femme de l’époque : choisir entre son enfant et sa liberté est un fameux dilemme. Desberg adopte la stature du non-jugement, mais plutôt de celui qui a envie de la comprendre. A part les Allemands, finalement, il n’y a que des bonnes personnes dans cette histoire et rien que cela, c’est déjà le gage d’une lecture très agréable. À recommander vivement donc !