Le seigneur de la Jungle
♥ Coup de cœur ♥
Scénariste : Christophe Bec
Dessinateur : Stevan Subic
Couverture : Eric Bourgier
Coloriste : Hugo Sebastian Facio
Editeur: Soleil
L’histoire de ce 1er volume, en quelques lignes…
Basé sur le premier roman de Edgar Rice Burroughs, Tarzan of the Apes (1911), aujourd'hui tombé dans le domaine public, cet album reconstitue en bande dessinée l'origine du "singe blanc".
XIXe siècle. Partis en bateau depuis l'Angleterre, Lord John et Lady Alice Greystoke s'échouent sur les côtes de l'Afrique équatoriale. Alice donne peu après naissance à un fils. A la mort de ses parents, il sera élevé par les grands singes et deviendra Tarzan. Le jeune homme sera partagé entre la vie brutale de la jungle et les codes stricts de l'aristocratie anglaise...
Pour voir la bande annonce, un clique sur le bandeau-titre ci-dessus.
Ce qu’on en a pensé…
Jeune enfant dans la fin des années ’70, j’avais 2 héros indétrônables : Actarus et son combat pour la survie de l’Humanité et Tarzan, pour sa force, son agilité et son formidable cri de ralliement !
Plus spécifiquement, je me rappelle certains dimanches après-midi où l’on pouvait retrouver les vieux films de Tarzan avec Johnny Weissmuller (une scène me reste en mémoire : des explorateurs qui sont mis dans une gigantesque casserole, prêts à servir de mets 4* à de cruels cannibales) ; un autre Tarzan m’a aussi indéfectiblement fixé ce héros dans l’esprit : celui de la série animée de 1978 : Tarzan, Seigneur de la Jungle.
Ce héros a traversé l’ensemble du XXème siècle et est toujours présent aujourd’hui sur nos écrans (on va passer l’adaptation récente en Anime de Netflix), dont un magistral mais brutal « Greystoke », campé par Christophe Lambert (en 1984).
En BD, il a eu évidemment aussi foultitude de Comics ; les plus célèbres étant issus de Burne Hogarth qui mettait en scène un Tarzan très bien sculpté (un peu comme les statues d’athlètes grecs), et qui l’emmenait souvent dans des cités perdues à combattre des êtres étranges….
Aujourd’hui, ces récits ont très mal vieilli, tant sur la forme que sur le fond mais… ça se vendait bien pour l’époque : 300 000 exemplaires par semaine pour le périodique d’avant-guerre…. Voilà des chiffres qui laissent rêveur aujourd’hui encore !
C’est donc dans ce contexte que Christophe Bec, qui a sans doute été lui aussi biberonné au sein de Kala (la mère gorille), a voulu réaliser un de ses rêves de gosse : mettre en scène « son » Tarzan !
Scénariste ultra-prolixe aux succès certains (Carthago, Prométhée, Crusaders, Androïdes…), il fait partie de ces auteurs qui ont le luxe (sans oublier le talent) de faire « ce qu’ils veulent » ; j’en veux pour preuve qu’il finalise actuellement un autre de ses rêves : la reprise de Bob Morane (cfr. cette news).
Si vous connaissez un peu l’auteur, vous savez qu’on ne va pas avoir un succédané de l’homme de la Jungle à la Disney… et clairement on est à l’opposé même de ça ! Christophe Bec a voulu inscrire son Tarzan dans un univers froid et brutal.
Son Tarzan est un animal sauvage, une sorte de prédateur ultime de la jungle tel que décrit à la base par l’écrivain originel, Edgard Rice Burroughs.
Attention : il n’a certes pas « juste » adapté le roman en image : bien des chapitres sont passés sous silence ; des rajouts sont d’ailleurs aussi faits, telle la fameuse scène érotique qui avait été censurée à l’époque du premier film de Weissmuller où il nage nu avec Jane et où Cheetah vole ensuite la tenue de Jane…. (Cliquez donc ici pour voir cette scène coupée… vous pourriez être surpris !)
On a donc bien affaire ici à une adaptation libre du mythe : son Tarzan a beaucoup de points communs avec celui interprété par Christophe Lambert (Greystoke) : violent et froid, avec cependant une indéfectible soif d’honneur et de justice.
L’autre grand choix imposé par Christophe Bec a été de s’associer à un dessinateur ayant une patte graphique fort singulière !
Et pour être honnête, une fois la lumineuse couverture (réalisée par Eric Bourgier) de l’album tournée, j’ai eu un sursaut en voyant les traits des personnages. Stevan Subic (M.O.R.I.A.R.T.Y, L’homme de l’année,…) ne fait vraiment pas partie de ces dessinateurs aux traits épurés et clairs que j’affectionne…. Le choc fut fort rude pour moi et j’ai donc débuté ma lecture avec un sérieux apriori, d’autant que les 11 premières planches sont totalement dénuées de dialogues (bon, ça tombe bien : on suit l’enfance sauvage de Tarzan chez les singes et comme on n’est pas chez Disney…).
Hé bien petit-à-petit, je dois confesser que je suis rentré dans cet univers graphique sombre et sauvage, où le dessinateur esquisse parfois à peine les visages, mais réalise de très belles représentations de l’univers de la jungle dans toute sa noirceur et sa dureté ! A posteriori, je comprends totalement le choix de ce dessinateur par Christophe Bec : il réalise des planches totalement en phase avec l’univers décrit, avec parfois des scènes extrêmement brutales que seul ce type de graphisme est capable de mettre en image de la plus juste façon ! On ne peut aussi passer sous silence l’énorme étude sur les postures animalières réalisé.
Ce premier volume était donc en mon chef très attendu initialement ; lorsque je l’ai reçu, j’ai éprouvé un énorme sentiment de déception en voyant les planches, puis une fois l’album refermé, j’en ai éprouvé un réel sentiment d’accomplissement : Christophe Bec et Stevan Subic ont réalisé la prouesse de nous (re)passionner pour une histoire ultra-connue ! Un énorme Coup de cœur donc pour cet album de 80 pages, qui ne sera vraiment pas à laisser trainer sur sa table basse, à portée de jeunes enfants…
Pour en savoir (encore) + …
On vous renvoie vers ce reportage d’Arte : « Tarzan, aux sources du mythe ».
Milan Morales