Quatre zéro sept!
Dessinateur : Marvano
Scénariste : Marvano
Coloriste : Bérengère Marquebreucq
Editeur: Dargaud
Le nom de Bonneville ne dit probablement pas grand-chose à beaucoup de monde. Pourtant, cette région de l’Utah se démarque par une incroyable particularité géologique : suite au réchauffement de la planète, un lac asséché a laissé sur le sol un dépôt de 150 millions de tonnes de sel, créant des flats (immenses étendues planes). Un décor naturel idéal pour l’homme qui veut sans cesse se surpasser…
Chaque concurrent qui se rend à Bonneville a un objectif avoué : battre le record de vitesse à bord d’un véhicule élaboré spécialement pour l’occasion.
Depuis 1947, John Cobb détient le record de 630 kilomètres par heure. L’album évoque les multiples tentatives de 1959 à 1963 pour batte ce record. En effet, malgré les progrès technologiques, ll aura fallu 16 ans pour que ce record soit battu. Autant d’échecs voire de décès pour aller toujours plus vite alors que l’Amérique traverse une des périodes le plus marquantes et les plus déterminante de son histoire : l’institution du président JF Kennedy et une guerre froide avec Cuba qui faillait entraîner un conflit nucléaire mondial.
Le 5 août 1963, Craig Breedlove battit le record de Cobb, soit quatre zéro sept miles par heure ou 652 kilomètres/heure. Le 22 novembre, le président Kennedy était assassiné…

Comme chroniqueur, je suis parfois un peu kamikaze. C’est-à dire que parfois je demande à chroniquer des livres en partant vers l’inconnu voire l’expérimental. De cela, il résulte parfois de belles découvertes mais aussi de belles déceptions pour lesquelles il faut trouver beaucoup d’inspiration pour arriver à présenter une chronique correcte.
En relisant le résumé du livre, à savoir le concours pour le véhicule le plus rapide, j’avoue que je me suis demandé ce qui s’était passé dans ma tête pour demander un album à chroniquer sur un tel sujet.
Et pourtant, c’est une heureuse surprise. Tout d’abord, Marvano a le bon goût de ne pas trop s’appesantir sur le caractère technique des prototypes, il met davantage l’accent sur l’esprit pionnier et expérimentateur de ces pilotes qui risquaient leur vie si leur véhicule ne déviait ne fut-ce que de quelques degrés. Il contextualise également ces tentatives de battre un record avec le contexte national et international ; ce qui donne une dimension supplémentaire à l’histoire.
Le résultat est que l’on se trouve immergé dans l’Histoire (avec un grand H) d’un monde en plein essor technologique. La logique est d’aller toujours plus vite, toujours plus loin dans un contexte de concurrence effrénée entre les Etats-Unis et l’URSS.... Ce n’est pas un hasard si cette période correspond à celle de la conquête spatiale avec le premier vol dans l’espace de Youri Gargarine.
Ce qui frappe également, c’est l’aspect « bricolage » des différents prototypes élaborés par des passionnés (récupération de moteurs d’avion,…) ; chacun ayant sa petite théorie pour se montrer plus performant que les autres. Ce sont quelque part des pionniers mais aussi des héros vu le danger qu’ils couraient lorsqu’ils démarraient en trombe encaqués dans des boîtes à sardines qui pouvaient exploser ou déraper à tout moment… Et à l’époque, il n’y avait pas d’abs, d’airbags,…
On se surprend donc à prendre beaucoup de plaisir à découvrir cette épopée. Sur un thème dont l’attractivité n’était pas gagnée d’avance, Marvano a su développer une histoire plaisante à lire tout en faisant découvrir une époque finalement peu connue et révélatrice d’une certaine vision du rêve américain. La suite au tome 2 !
Phylact